Administration du soin : clinique du refus, du renoncement, du rejet

Le 29 mars 2023, 20H30, 22H30, le groupe de recherche clinique assure son 4ème atelier de l’année en ZOOM, atelier dirigé comme les 3 premiers, vers le colloque du 9 juin prochain à Rennes – « Les 4èmes rencontres Puls-médecine » en prise directe avec l’actualité sous le titre « Urgence, solitude et administration du soin ». Nous vous attendons nombreux à ce colloque parce que rejoindre la subjectivité de l’époque, élucider ses nouveaux enjeux et faire connaitre, au plus grand nombre, les inventions toutes singulières de chaque professionnel de soin engagé est devenu une priorité de tout premier ordre. 

Avec le Dr Patrick Briend, Médecin généraliste et le Dr Anna Jarno-Josse.

Lors de ce 4ème atelier, nous nous intéresserons tout particulièrement au quotidien du médecin généraliste : les demandes qui lui sont faites, les exigences auxquelles il est soumis, les conditions de son exercice à un moment où, avec les services d’urgence, il est particulièrement sollicité. Bien au-delà de son exercice quotidien, il est sans doute, aujourd’hui, celui qui reçoit, en première intention, des patients et des familles, bien souvent égarés.[1]


[1] Dans « Télévision », Lacan parle d’un « égarement de notre jouissance » à l’heure de la montée du racisme et de la ségrégations, Paris, Seuil, p.534.

Extraits de l’argument : 

(…) La science avance, vite. Elle a de plus en plus les moyens de résoudre. Il faut que ça marche, que ça fonctionne, que ça traite et que ça guérisse. Mais de plus en plus soucieuse de son efficacité, la science tend à forclore toute invention. Aujourd’hui, les discours et les pratiques qui servent la science suscitent de l’isolement chez les professionnels parce que ce qui relève de leur subjectivité et de leur désir, est de plus en plus dénié : déni de la mise toute subjective qu’il pourrait apporter dans leur accueil des patients, déni des rapports d’identification des soignants à leur corps médical qui pourtant leur est nécessaire. 

A défaut de s’autoriser, nombreux soignants quittent la scène du travail, s’éjectent eux-mêmes de lieux devenus trop contraignants (arrêt de travail, absentéisme, signes de dépression…) S’autoriser suppose une mise et une rencontre. La mise vise à extraire le Sujet de ses embrouilles, le dégager de ce qui fait opacité quant à ses choix. Vœu exigeant, cela relève du « pari ». Ce risque, ils sont de moins en moins nombreux à le prendre. La rencontre, elle, est celle de la solitude, une solitude toute subjective à partir de laquelle chacun s’autorise d’un choix, fut-il un engagement professionnel. (…) 

Démêler l’urgence médicale de l’urgence subjective n’est pas toujours aisé. Mais pourtant, il revient à chaque soignant de réordonner les choses, calmer la crise, introduire une nouvelle temporalité – qui ne soit pas cette urgence généralisée sir propre à l’époque – engager de l’altérité (…) L’urgence véritable est celle de l’engagement de chacun à faire avec sa propre solitude hormis toutes les contraintes entravantes auxquelles il peut être soumis. Elle est sans nul doute à réhabiliter, au moins à faire valoir. (…) 

Si les services d’urgences n’ont pas le monopole de l’urgence, ils sont le symptôme d’une course généralisée propre à l’époque… Les professionnels de santé vivent une véritable crise identitaire sur fond de non-reconnaissance par leurs pairs : soit ils sont soumis à un ordre de fer – et s’éprouvent comme toujours « insuffisants » – soit ils renoncent à tout compromis – et s’épuisent jusqu’à renoncer à leur métier. Le doute s’installe dans leur rapport à leur pratique au point de ne plus savoir « d’où ils s’autorisent… » au point de refuser, renoncer voire rejeter ce qu’ils sont, ce qu’ils font (…)

Le déni est autant du coté des soignants que du côté des patients (…) il est de structure et a ses formes cliniques : refus, renoncements, rejets.

« Les modalités du lien social contemporain favorisent un individualisme tendu, la revendication d’une liberté sans limite, poussent à une autodétermination de soi, à une fixité de l’identité qui va à l’opposé du jeu souple des identifications… » [1]


[1] Porcheret B. « Le sujet libre », Focus vers les Journées 52 de l’Ecole de la Cause freudienne, « Je suis ce que je dis – déni de l’inconscient », en ligne site de l’ECF https://journees.causefreudienne.org/le-sujet-libre/

David Briard et Emmanuelle Borgnis Desbordes