Chantal Tanguy
« Un silence assourdissant »
Dr David Briard
« Comme sur des roulettes »
Emmanuelle Borgnis Desbordes
« Avec un quart de cerveau en moins ! »
Nous ne sommes qu’au tout début de mesurer les conséquences de cette période de pandémie. De plus en plus de médecins s’élèvent pour dire combien de prises en charge de patients ont été retardées et ont impacté sur la maladie de ces patients avec une perte de chance [1]. C’est une période enseignante où, plus que jamais, les mesures sanitaires ordonnées par les autorités compétentes ont supplanté l’avis du médecin : « … la gestion a pris le pas sur l’aspect médical » [1]. Centres de dépistage, dépassés, débordés… les autorités et les hôpitaux commencent à imposer l’obligation d’une ordonnance pour se faire dépister c’est à dire en passer par un avis médical – quitte à ne plus faire le million de dépistage par semaine requis. Là où, les mesures valables pour tous, ouvrent la porte à l’illimité et à l’angoisse, l’avis et la conversation entre malade et médecin sont réintroduits pour faire limite et finalement border l’angoisse.
Les trois cas abordés ont en commun d’avoir une atteinte médicale qui vient faire effraction dans la vie de chaque patient. Cette effraction pourrait être envisagée comme un nouveau symptôme médical : symptôme à ausculter, à résoudre, à dissoudre, à éteindre ou à étouffer. L’angoisse – ou le surgissement d’un Réel qui désorganise et qui est parfois difficile à cerner – pousse à trouver issue satisfaisante par le biais d’un diagnostic, d’un nom sur la chose, pousse à refaire du « tout ». Il est important – dans un tel contexte de déstabilisation – de réintroduire le patient comme Sujet et d’envisager « Ce qui fait symptôme » singulièrement pour lui.
La psychanalyse propose un autre abord du symptôme en prenant acte de la part impossible à résorber du symptôme – sa part réelle. En effet, le symptôme est bien souvent pour un Sujet un véritable point d’appui. D’ailleurs Lacan parlait même du symptôme comme un mode de traitement du Réel. Le rôle du psychanalyste – averti de cette dimension autre du symptôme – répond dans la rencontre à cette part insupportable. Le symptôme peut prendre des formes diverses dans la réalité de la vie : répétition morbide, silence assourdissant, phénomènes angoissés. Mais il peut aussi se montrer et s’entendre dans la plainte, diversement évoquée, à laquelle la science ne peut plus répondre.
Nous verrons comment ces praticiens, plutôt avertis de cette dimension du symptôme, praticiens « décomplétés » – qui ne cèdent pas aux sirènes du « tout » et du « pour tous » – se positionnent autrement, en se faufilant dans les rets de la demande et de la plainte des patients afin d’ouvrir chacun d’entre eux à du nouveau… Leur positionnement et en toute logique leur acte jouent leur partie dans l’accueil médical fait habituellement aux patients.
« Se faire le destinataire du symptôme, c’est ainsi remettre en circulation l’agalma qui s’était cristallisé dans l’identification à un symptôme commun… » [2]
[2] Laurent E : « La société du symptôme », Quarto 79, pp. 3-9.