Les ateliers 2021-2022 “Ce qui se traite du corps”

 
Après le thème de l’année 2020-21, « Ce qui fait symptôme ».
Nous reprenons à la rentrée pour l’année 2021-2022 sous le titre :  

« Ce qui se traite, du corps »  

4 ateliers, 4 dates à retenir :  Jeudi 14 octobre, et les mercredis 8 décembre, 19 janvier, 16 mars.
Vignettes cliniques, constructions, élaborations, au plaisir de vous retrouver en connexion hybride, en présence et zoom


20H30-22H30
Pass sanitaire nécessaire en présence
Salle conférence A, Rez de jardin, Hôpital sud, au CHU de Rennes.

 Dr David Briard, Emmanuelle Borgnis Desbordes
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« Ce qui se traite, du corps »

Les ateliers cliniques pulsmédecine font leur rentrée. Chaque année la question du corps est interrogée sous des abords différents à partir de vignettes cliniques lues sous le prisme des orientations apportées par la psychanalyse. Lors des 2ndes Journées d’étude pulsmédecine, le Dr François Leguil précisait la place que la psychanalyse pouvait occuper en médecine : en quoi la psychanalyse pouvait aider la médecine, elle-même mariée à la science :

« La médecine n’est pas une science exacte, certes ; elle est pourtant une pratique très largement inspirée par une recherche de précision – à défaut d’exactitude – comparable à celle obtenue dans la démarche et les calculs des sciences dites exactes. Dans cet esprit, nous pouvons soutenir que si l’on ne peut pas dire que nous œuvrons ici « au nom » de la science, nous le faisons « pour » la science, pour qu’elle ne soit pas dans notre champ aussi abstraite et ignorante des vrais enjeux subjectifs de la souffrance morale et mentale. Nous le faisons en acceptant le souci de la preuve des savants et l’obstination dans la recherche des causalités ».[1]

Le cœur des français bat depuis des mois au rythme du nombre de nouveaux cas Covid, de primo vaccinés, de citoyens avec pass sanitaire, ou sans… des pour, des contre… tous décidés, tous anonymes, tous chiffrés mais surtout tous happés par une nouvelle réalité dont est pris le pouls quotidiennement. L’omniprésence de l’affection Covid, l’urgence à contrer la diffusion du virus, a introduit un nouvel ordre qui met tout le monde au pas. Il y a bien une réalité Covid. Entrée en force, elle a supplanté toutes les autres réalités et a imposé son tempo et ses exigences. Si les indicateurs sont plutôt au vert actuellement, il y a pourtant un revers à l’embellie. Nombre de disciplines médicales sont restés dans l’ombre, nombre d’affections sont restées en attente. Trop longtemps confinées, les langues se délient et la demande afflue. Le vivant, ça ne se tait pas ainsi ! La gestion de la crise Covid a imposé des mots et des chiffres qui accrochent, agrafent, glissent, transpercent tous les corps, sans limitation, sans frontière. L’épidémie a mis à rude épreuve le corps, bien au-delà de l’affection elle-même parce que la menace est encore là mais surtout parce que ça dure depuis trop longtemps ; en témoigne la forte fréquentation des services d’urgences cet été, 2 ans après le début de l’épidémie. Le vert indique mais ne dit pas : il ne dit pas ce qu’il en est des autres disciplines médicales ou paramédicales. Les médecins témoignent aujourd’hui d’une augmentation des demandes toute spécialité confondue. Quels en sont les réels ressorts ? Y a-t-il vraiment réponse adéquate à trouver à toutes ces demandes ? Les soignants sont et restent sous pression, pris entre l’urgence de leur soin et l’exigence qui pèse sur eux d’une réponse rapide et la plus adéquate à ce qui leur est demandé ! S’accroit aujourd’hui malentendus et déceptions. 

La psychanalyse nous a appris combien la réponse à ce qu’un sujet demande est toujours inadéquate, c’est même le propre de la pulsion et du désir. Les « grandes manœuvres »[2] imposées par la gestion de la crise Covid ont donné à chacun un court espoir d’un système de santé tout à fait opérationnel répondant au doigt et à l’œil à tout ce qu’on lui demande… parce que la priorité était le traitement urgent du virus, la sollicitation auprès du corps médical a été limitée. Cette limitation levée, la sollicitation repart ! Après avoir connus des sommets de reconnaissance, les gens de médecine retrouvent, plus que jamais, l’urgence de répondre aux attentes de patients insatisfaits. 

Les gens de médecine n’ont eu de cesse de répondre au mieux à l’urgence – prendre en charge l’atteinte médicale grave – tous au pas de la même préoccupation, mais l’épreuve ne semble pas avoir fait expérience, enseignement, régulation. L’idéologie scientifique occulte le fait que le corps ne peut s’appréhender ou se traiter, sans le sujet. Nous relevions l’année dernière, l’émergence de nouvelles demandes pour des affections psychosomatiques prenant des formes variées, affections complexifiant toute la chaine habituelle qui va du diagnostic aux traitements ad hoc. Il était urgent d’opérer un écart entre le symptôme somatique tel que la médecine est habituée à prendre en charge et le symptôme propre à chaque sujet. Il y a bien une crise au-delà de la présence du virus. Il y a bien un redoublement de la sollicitation de chaque institution, de chaque soignant. Dans l’intimité des consultations, des médecins témoignent : « être médecin, c’est être… psychiatre, scribe, avocat, conseiller conjugal, ami, confident, psychologue, assistant social ».[3] Qu’est-ce qui fait symptôme ? Malaise dans la cité, malaise dans la subjectivité, malaise dans le corps. Le symptôme qui s’invite à tous les étages et dans tous les interstices de la pratique médicale et paramédicale, nous pousse et nous pulse cette année à mettre au travail une question éminemment clinique : « Ce qui se traite, du corps ».

L’immixtion du politique dans la gestion des soins, en cette période Covid, n’a cessé de renforcer directives, mesures et schémas d’actions variés à l’hôpital. Ces protocoles tendent à se substituer à la rencontre avec les patients et ils ne sont pas sans conséquences sur le cœur de ce qui fait la pratique médicale. Or ce qui malmène le plus en médecine est d’être dépossédé de son savoir faire comme de son savoir être, de son avis et, osons dire, de ce qui donne corps à sa mission et lui apporte satisfaction. Aujourd’hui, les demandes semblent devenir toutes les mêmes et la réponse est de plus en plus standardisée – valable pour tous. Les internes en médecine en font les frais. Ils leur incombent de supporter de nouvelles exigences justifiées par une démarche dite qualité : des questionnaires à remplir, des cases à cocher pour valider les questions posées aux patients, des déclarations à faire, un courrier de sortie immédiate… Les soignants – comme les soignés – sont malmenés par cette nouvelle organisation technocratique des soins, tous objets d’un discours imposé.

L’épidémie a mis le corps sous les projecteurs ; sa vulnérabilité, son atteinte, ses possibles dérèglements, ses irrégularités, ses défauts. À chacun sa réponse, à chacun sa défense face à l’irruption de ce réel, cette part d’inassimilable dans le corps toujours en excès ou sans limite. À partir de la variabilité des pratiques de la médecine, autorisons-nous à des zooms sur cette clinique, souvent du détail pour étudier ce qui fait traitement chez les patients, ce qui se traite, du corps. Nous en mesurerons la valeur d’acte, après-coup.

Pulsmédecine ouvre donc ce champ clinique en pariant sur une autre lecture de ces impasses. Des soignants ont accepté de relever le défi en témoignant de leur clinique et de leurs inventions sans céder sur leur désir. Donner un traitement, le plus médicamenteux qu’il soit, n’est jamais que permettre à une molécule d’agir et elle le fait très bien toute seule. Nous nous intéresserons aux effets inattendus de certains traitements. C’est risqué à l’heure de la science mais nous relevons le défi. Ces vignettes cliniques sur les traitements nous permettront surtout d’envisager le corps dans ses différentes versions – imaginaire, symbolique et réel – un corps qui n’est jamais sans sujet ! Les situations exposées nous permettront aussi et surtout de préciser ce qui fait rencontre pour chacun. 

Pulsmédecine se fera cette année l’adresse de témoignages de cet Autre corps dans lequel l’organisme est pris. 

« Avoir un corps, c’est un sentiment partagé par beaucoup. Cette notion semble aller de soi. Pourtant, la psychanalyse nous enseigne que rien n’est moins sûr que le corps. Pour l’avoir, il faut en effet le garder vivant et le maintenir dans le circuit pulsionnel, montage qui structure les besoins, mais qui peut se dérégler et provoquer toutes sortes de signaux contradictoires ».[4]


[1] Propos introductif du Dr François Leguil au 2eme colloque pulsmédecine »

[2] Pour reprendre le titre de nos derniers travaux « Grandes manœuvres et petits arrangements aux urgences »

[3] « What’s up Doc ? », 53, Face à la surcharge administrative (Madeleine, installée en libéral) « On passe son temps à se faire des nœuds au cerveau ».

[4] Bonnaud Hélène, « Le corps pris au mot, ce qu’il dit, ce qu’il veut », Paris, Navarin Le champ freudien, p.19.