Puls Medecine, Quésaco?
La pratique médicale se rapproche chaque jour de plus en plus d’une discipline scientifique à laquelle s’identifient les professionnels. Les professionnels de santé aux avants postes, doivent accueillir ces produits de la science et sont chargés de répondre aux exigences des patients qui se présentent sous les traits de symptômes dits « modernes » avec tout le cortège qui les caractérise : l’urgence de la demande, demande réduite à une commande, l’obligation de répondre, l’exigence de résultats rapides et visibles… Autant d’indices cliniques qui attestent des impératifs d’une volonté et d’une jouissance plutôt féroce. Les difficultés rencontrées dans la pratique prennent aussi la forme de multiples modalités d’impasses dans le champ médical ; pour exemple, la résistance à la prise de traitements, l’absence d’étiologie médicale pour lire tel ou tel symptôme ou encore les prises médicamenteuses exagérées
Ne s’agit-il pas d’y voir ou d’y lire chez ces patients un autre type de demande en attente ?
Les professionnels ont-ils à répondre à l’exigence par la création de nouvelles catégories médicales
Ou par des protocoles ad hoc ?
Quelle autre modalité de réponse pouvons-nous trouver ?
Puls-Médecine est une modalité possible de réponse qui met au travail le positionnement de chacun,
En prise direct avec la modernité
Ajoutons, à ce constat, la convocation de la médecine sur des questions de société, des sujets qui réclament ou sollicitent les médecins pour des demandes de plus en plus spécifiques bouleversant le paysage médical et les repères classiques. Il peut s’agir d’une demande de transformation des corps, multiples et variés, l’accès à de nouvelles techniques de procréation, ouvertes désormais au plus grand nombre. Dans tous les cas, il s’agit d’accueillir la demande dans toutes ces déclinaisons et répondre au un par un. Le désir de chaque professionnel – au-delà de sa fonction – y est toujours convoqué – qu’il le veuille, le sache, le prenne en compte ou pas.
Ces changements ne sont pas sans faire émerger des questions chez chaque professionnel de santé, réflexions qui méritent d’être recueillies et élaborées. Finalement qu’elle que soit la demande du patient, et quelque soit la modalité de réponse de chaque professionnel, il y a toujours « malentendu » ! parce que que ce qu’il veut est bien au-delà de ce qu’il demande. Ce malentendu, diversement rencontré, diversement déclinable dans la réalité de la rencontre du patient et du professionnel, ce malentendu qui fait bien souvent butée, la psychanalyse s’intéresse en toute logique.
Nos « ateliers cliniques » sont l’occasion d’élaboration à plusieurs de ce malentendu fondamental au-delà de toutes les modalités de réponses que chacun trouve à la question finalement éminemment subjective qui lui est posée. Ils ont lieu tous les deux mois au CHU de septembre à juin. Points de rencontres, d’élaboration et de transmission, ces ateliers sont de véritables laboratoires où fourmillent nombreux professionnels de santé et cliniciens qui font le choix de s’autoriser à présenter des situations cliniques traversées d’impasses. Les ateliers cliniques sont autant d’opportunités d’échanges, d’élaboration et de transmission de situations toujours singulières. Nous choisissons chaque année un thème sous lequel nous retrouver, en « ateliers cliniques » mais aussi en « après-midis d’étude » plus spécifiques. Elles ont lieu également au CHU en prise direct avec un lieu hospitalier qui accueille toutes les modalités de réponses possibles, fussent-elles technicisées.
La politique de ces rencontres se fonde sur l’articulation entre psychanalyse et médecine, champs plutôt disjoints de prime abord, disjonction notamment dans l’appréhension du corps ! Notre 1ère rencontre Psychanalyse et Médecine sous le signe du « Grand désordre dans les corps » au printemps 2018 a pu le démontrer au plus grand nombre. Si la psychanalyse prend en compte les maux du corps – il y a bien un Réel du corps que nous ne pouvons négliger – elle se préoccupe surtout de la manière dont le corps est noué au langage et favorise la formation de symptôme. C’est pourquoi notre travail de réflexion se veut au plus prêt de la clinique des professionnels de santé. Nous en tirons enseignement. Ils sont toujours nos premiers invités dans nos ateliers et nous travaillons et élaborons la clinique, in situ au CHU, lieu d’accueil des patients et lieu de travail des professionnels.
Nous pouvons aujourd’hui, au regard de ce qui se passe depuis deux ans – résultat de 12 ans de travail de lien avec des professionnels convoqués au par un – au regard du public nombreux qui nous suit – un mailing conséquent – faire valoir l’originalité de notre invention, un groupe de recherche et d’élaboration clinique – ouverte aux plus grand nombre. « Puls-Médecine » invite les gens de la médecine à transmettre leur expérience du terrain : des rencontres qui les ont interrogés et enseignés, des rencontres qui méritent transmission. « Pulse » est un signifiant commun, signifiant sous lequel tout un chacun peut nous rejoindre, signifiant articulant pour nous psychanalyse et médecine. Du côté de la médecine, c’est à la fois le règne de la pulsion, mais aussi des pulsations cardiaques : ce qui signe le vivant, ce qui pulse le corps. Du côté de la psychanalyse, parce qu’il est pris dans le langage, le corps est pulsionnel bien au-delà de sa corporéité : un corps parlé, un corps parlant. Aucun discours ne viendra suturer ce qui l’anime et le pulse. « Puls ! » Ce signifiant permet d’interpeller les professionnels sous de multiples formulations : rendez-vous cliniques, rencontres de travail, ateliers cliniques d’élaboration de cas, conversations entre professionnels, après-midi d’études, congrès et autres colloques, cartels. Autant de lieux d’élucidation et de transmission qui mettent en lien les uns et les autres – et ce bien au-delà de leur fonction professionnelle – lieux répertoriés dans des newsletters régulières et annoncés dans un blog.
David Briard, Emmanuelle Borgnis Desbordes (1), Chantal Tanguy, psychanalystes
(1) Membre de l’École de la Cause freudienne et de l’Association Mondiale de Psychanalyse.
Dr David Briard est pédiatre, Responsable du service des Grand-Enfants Adolescents au CHU de Rennes
Emmanuelle Borgnis Desbordes est Maitre de Conférence en psychopathologie clinique, chargée d’enseignements à la faculté de médecine de Rennes 1.
Chantal Tanguy est Docteur en psychopathologie clinique.