Le 2ème atelier clinique puls-médecine aura lieu le mercredi 7 décembre à 20H30 au CHU, sous le titre « Solitude contre isolement »
Le Docteur Vanessa-Brun, Radiologue nous fait l’honneur de venir converser avec nous.
Elle nous parlera de sa pratique, de son engagement dans l’hôpital public, de sa volonté d’être « artisan d’un changement » et de toujours mettre la rencontre avec le patient au cœur de sa pratique,
Cette pratique finalement méconnue – ou teintée de nombreux préjugés – est loin de se réduire à une simple pratique médico-technique.
En prise directe avec le terrain, Le Docteur Vanessa Brun nous dira le progressif changement que connait sa pratique, le glissement progressif vers une technicité de plus en plus accrue et le risque de la disparition de la « mise » toute singulière du médecin. En effet, bien au-delà des images, des échographies, des IRM et autres clichés, il tient à ne jamais perdre de vue le patient.Le radiologue n’est pas qu’un « médecin de l’ombre » ou un prestataire de service. Il est engagé comme tout autre médecin dans l’accueil d’un patient, le recours aux technicités nécessaires et libre dans son acte
Voici une dernière dépêche avant mercredi pour vous annoncer la présence dans le public d’étudiants de l’école des hautes études de Santé publique à cet atelier, école qui forme les futurs directeurs d’établissements de Santé. Nous les remercions déjà. Ils participeront comme vous aux échanges qui s’annoncent riches entre la salle et notre invitée le Dr Vanessa Brun, radiologue. Puls poursuit ses rencontres orientées par le titre de notre colloque, et c’est plus particulièrement sur la deuxième partie de notre thème de travail « l’administration du soin » que nous nous sommes rapprochés de cette école. Nous les avons connus à partir d’un ciné débat qu’ils ont organisé autour du film « La fracture » de Catherine Corsini. Leur choix de parrain de promotion, Thomas Lilti, partisan de réintroduire une aventure humaine dans les études de médecine et la pratique médicale, a aussi aidé au rapprochement. Leur lecture singulière de leurs deux premiers mois de stage bien imprégnés du terrain des soignants a fait point de rencontre avec nous. Citons à cette occasion le livre « La casse du siècle » qui montre aussi que nos directeurs d’hôpitaux ont affaire à un isolement illustré ici par la métaphore du marteau et l’enclume « Depuis 10 ans, et particulièrement depuis 2015, protestations et cris d’alarmes se multiplient, émanant non seulement des infirmières, des aides-soignantes, des cadres, des brancardiers, des praticiens hospitaliers, mais aussi des directions hospitalières elles-mêmes fatiguées d’être prises entre le marteau des Agences Régionales de Santé (autrement dit l’état) et l’enclume professionnelle et syndicale (autrement dit les soignants) ». La casse du siècle. A propos des réformes de l’hôpital public. Chez Raisons d’agir. Page 9.
Ci dessous, retrouvez une émission de Lacan Web Télévision avec Frédérique Pierru auteur du livre et nos collègues de l’École de la Cause freudienne.
L’argument : Solitude contre isolement.
La science avance, vite. Elle a de plus en plus les moyens de résoudre. Il faut que ça marche, que ça fonctionne, que ça traite et que ça guérisse. Mais de plus en plus soucieuse de son efficacité, la science tend à forclore toute invention. Aujourd’hui, les discours et les pratiques qui servent la science suscitent de l’isolement chez les professionnels parce que ce qui relève de leur subjectivité et de leur désir, est de plus en plus dénié : déni de la mise toute subjective qu’il pourrait apporter dans leur accueil des patients, déni des rapports d’identification des soignants à leur corps médical qui pourtant leur est nécessaire. A défaut de s’autoriser, nombreux soignants quittent la scène du travail, s’éjectent eux-mêmes de lieux devenus trop contraignants (arrêt de travail, absentéisme, signes de dépression…) S’autoriser suppose une mise et une rencontre. La mise vise à extraire le Sujet de ses embrouilles, le dégager de ce qui fait opacité quant à ses choix. Vœu exigeant, elle relève du « pari ». Ce risque, ils sont de moins en moins nombreux à le prendre. La rencontre, elle, est celle de la solitude, une solitude toute subjective à partir de laquelle chacun s’autorise d’un choix, fut-il un engagement professionnel.
« Cette solitude elle, de rupture du savoir, non seulement elle peut s’écrire, mais elle est même ce qui s’écrit par excellence, ce qui d’une rupture de l’être laisse trace ».[1]
Les services d’urgences sont des lieux riches d’enseignement où les professionnels sont particulièrement bousculés. Ils rencontrent des situations souvent délicates, des patients compliqués, des familles inquiètes : un « tout » bien souvent compact qui mériterait d’être diffracté. Démêler l’urgence médicale de l’urgence subjective n’est pas toujours aisé. Mais pourtant, il revient à chaque soignant de réordonner les choses… calmer la crise… introduire une nouvelle temporalité… engager de l’altérité. Si les soignants se plaignent du manque de temps (!) pour le faire… l’urgence véritable est celle de l’engagement de chacun à faire avec sa propre solitude hormis toutes les contraintes entravantes auxquelles il peut être soumis. Elle est sans nul doute à réhabiliter, au moins à faire valoir. De cette solitude, il en est bien question dans les situations cliniques que nous exposent les professionnels dans les ateliers cliniques et dans nos colloques. De plus, de nombreux professionnels de santé s’engagent aussi dans des supervisions ou des contrôles de leur pratique pour élaborer leur cas et parler de la mise toute singulière – qui a trait à cette solitude – dans leur suivi de patients. Là, ils évoquent aussi leur épuisement malgré tous leurs efforts. Mais précisons. La solitude, choisie, toute subjective, est à différencier de l’isolement subi. La solitude, ou qu’elle soit rencontrée, en n’importe quel lieu, à n’importe quelle heure – qu’elle soit redoutée ou fuie – est à prendre au sérieux car elle ouvre à du nouveau et fait rupture avec le savoir établi. L’isolement, lui, est bien plus symptomatique !
Puls-médecine a toujours fait le choix de donner la parole aux professionnels de santé, en première ligne dans les services, pour qu’ils nous donnent la température du terrain et témoignent de leurs possibles mais aussi impossibles inventions. Mettons au travail cette nouvelle tyrannie de l’urgence pour en repérer les ressorts et tenter d’en réfréner le mouvement en l’interrogeant. Si les services d’urgences n’ont pas le monopole de l’urgence, ils sont le symptôme d’une course généralisée propre à l’époque.
« Il est certain que se coltiner la misère du monde […] c’est entrer dans le discours qui la conditionne, ne serait-ce qu’au titre d’y protester… » [2]
[1] Lacan J., Le Séminaire Livre XX « Encore », Paris, Seuil, p.109.
[2] Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 517.